Le scandale des commandites  

 

Avant d'aborder le sujet, voyons un peu l'histoire du Canada et du Québec.

C'est en 1534 que le régime français prends possession du territoire canadien avec Jacques Cartier. Il y a colonisation, exploration du territoire, découverte de richesses naturelles (cours d'eau, territoire à perte de vue, forêts immenses et fourrures), et prise de contact avec les amérindiens. La Nouvelle-France est née et s'étend de l'Acadie à l'est, aux Rocheuses à l'ouest, et jusqu'à la Louisiane au sud du Mississippi.

En Europe, c'est le conflit perpétuel entre la France et l'Angleterre, qui a également des colonies en Amérique. C'est la guerre à nouveau entre ces 2 pays et cela se reflète avec la Guerre de 7 ans . À cause d'une administration centrée à Paris et des coûts élevés liés à la guerre, la France cède peu à peu la Nouvelle-France à l'Angleterre jusqu'à la Bataille des plaines d'Abraham à Québec en 1759, que Montcalm perd aux mains de Wolfe (toutefois, les 2 généraux meurent au combat). L'année suivante c'est Montréal qui s'incline et la Proclamation royale est votée et prendra effet en 1763. Le territoire canadien appartient désormais à la couronne britannique.

Le régime anglais est né et ses efforts seront orientés à assimiler les canadiens français à la culture anglaise. Mais ces derniers résistent, entre autre avec la Révolte des patriotes, et c'est ici que commence vraiment la guerre psychologique entre ces 2 cultures. Les anglais possèdent le pouvoir politique et économique et grâce à diverses stratégies (octroi des meilleurs terres aux colons anglais, lois spéciales, utilisation de l'armée lors de manifestations), la pression est constante sur la culture française qui s'accroche désespérément à ses origines.

C'est en 1867 que le Canada devient un Dominion en votant la Constitution canadienne, ce qui aura pour effet de mettre fin au Canada Uni et de mettre les québécois en position de majorité dans leur province. La Confédération canadienne est née. Le Canada n'est pas encore officiellement un pays, il est seulement une colonie qui a des pouvoirs particuliers. Il ne possède pas encore ni drapeau, ni hymne national. C'est en 1880 que l'hymne national canadien sera créé par Calixa Lavallée, et le drapeau canadien (l'unifolié) ne sera adopté que le 15 décembre 1964. Notons que le drapeau québécois fut adopté le 21 janvier 1948 avec les couleurs de l'ancien régime français (fleurdelisé bleu et blanc).

Peu à peu, les francophones prennent de plus en plus d'importance dans le milieu politique du Québec et du Canada. En 1885, Honoré Mercier devient le premier Premier ministre du Québec francophone, tandis qu'en 1896, Sir Wilfrid Laurier devient le premier Premier ministre francophone du Canada.

En 1926,une société secrète qui a pour nom l'Ordre de Jacques-Cartier est née (plus connue sous le nom de la "Patente"). Elle a pour but de favoriser la montée au pouvoir à un plus grand nombre de canadiens français. Cette société est officiellement illégale mais elle fait des ravages. Grâce à ses membres influents (plus de 40 000 jusqu'à sa dissolution et 1968), elle mène lentement mais sûrement à une prise de conscience nationaliste et à la révolution tranquille des années 1960. C'est lors de cette période que les francophones prendront vraiment conscience de leur potentiel (pensons au phénomène Maurice Richard) et deviendront les leaders politiques du Québec (le pouvoir économique appartient cependant toujours aux anglophones). C'est aussi durant cette période que fut créé le FLQ (Front de Libération du Québec) qui est devenu un groupe terroriste et qui a forcé Pierre Elliott Trudeau a utiliser les mesures de guerre au Québec, après l'assassinat du ministre Libéral Pierre Laporte.

Avec la création du RIN en 1960 qui est devenu le Parti Québécois en 1968 (fusion de tous les groupes souverainistes), ce parti fut mené de main de maître par René Lévesque. Ce parti avait pour but la séparation du Québec, du Canada. Étant donné que le Canada avait officiellement deux langues officielles (anglais et français), et que cette règle n'était appliquée qu'au Québec (le reste du Canada est anglophone) et que les minorités francophones du reste du Canada étaient écrasées; les québécois se sentent de moins en moins chez eux au Canada; ils veulent donc leur indépendance.

Ce mouvement prends graduellement de l'importance car les sondages de 1970 montrent un ratio de 70/30 en faveur du Non (contre l'indépendance). Au Référendum de 1980 le Non l'a emporté par 60/40 et à celui de 1995, le Non l'a emporté de justesse par 50,5/49,5. Après le Référendum de 1980, le Canada n'était pas vraiment inquiété par le résultat, ce qui a mené à une indifférence de la part du Gouvernement canadien (particulièrement de la part de Pierre Elliott Trudeau) et à la Nuit des longs couteaux; là où le Rapatriement de la Constitution canadienne fut signée durant la nuit, à l'insu du Premier ministre du Québec, René Lévesque qui était pourtant présent. Quelques années plus tard, ce fut au tour de Robert Bourrassa, du Parti Libéral du Québec (qui est contre l'indépendance du Québec) de se faire refuser la reconnaissance du Québec comme étant une Société distincte de par sa culture (elle fut tout d'abord acceptée par l'ensemble des autres provinces avant de faire volte face à la fin). Il a tout de même déclaré que peut importe ce que pensent les autres provinces, le Québec est une Société distincte, que cela soit officiel ou non.

Ce fut la goutte qui fit déborder le vase pour la majorité des québécois et une forte vague indépendantiste s'en est ensuivie. Le nouveau Premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, offrit un nouveau Référendum en 1995. Cette fois, Le Oui l'a presque remporté, ce qui a donné la frousse au Parlement canadien et c'est à la suite de ce résultat que le fameux Programme des commandites fut créé par le Premier ministre du Canada, Jean Chrétien.

Le but de ce programme était de faire la promotion de l'Unité canadienne là où elle est le moins populaire (c'est à dire au Québec). Il faut souligner que le Canada est de plus en plus divisé entre l'Est et l'Ouest, qui ont des pensées plutôt à l'opposé. À l'Est on est fidèle au modèle canadien (sauf le Québec) et à l'Ouest on très conservateur et on est moins enclin à protéger les minorités culturelles. Le fait est que si le Québec se sépare du reste du Canada, d'autres provinces pourraient suivre la marche et ainsi détruire l'Unité canadienne.

Ce programme visait plus particulièrement les événements culturels tels les divers festivals, incluant le Grand Prix du Canada. Le but était d'afficher des bannières à l'effigie du Canada sur les sites en questions et de distribuer ou de vendre divers articles sous les couleurs canadiennes. Beaucoup d'argent à été distribué (plusieurs dizaines de millions de $ canadiens) aux diverses agences de publicité. Le problème est que beaucoup trop d'argent à été offert à ces agences, il y a eu ingérence de la part de certains politiciens pour le choix des agences et il y a eu surfacturation de leur part afin de profiter de la manne fédérale.

Plusieurs dirigeants de ces agences sont devenus riches et en retour, ils devaient verser d'importants montants en redevance politique afin de subventionner le Parti Libéral du Canada en vue d'élections. C'était un habile processus de ristourne car la loi fédérale interdit aux entreprises de donner plus de $3000 à un parti politique afin de le subventionner. Le truc était donc de convaincre les employés de ces agences de donner un montant n'excédant pas $3000, tout en leur promettant un remboursement, suite à l'acquisition de contrats importants. Plusieurs dirigeants politiques se sont également enrichi.

Le Grand Prix du Canada a été commandité de cette façon et en plus, il y avait distribution de billets gratuits pour des gens haut placés. L'achat de ces billets était fait avec l'argent des contribuables canadiens. Il en a été de même pour d'autres événements sportifs comme les matchs de hockey des Canadiens de Montréal, les Expos au Baseball, Les Alouettes au Football et probablement d'autres équipes professionnelles canadiennes. Bien sûr, aucun dirigeant de ces événements sportifs n'étaient au courant de ce processus de ristourne, ce qui inclut donc le directeur du Grand Prix du Canada, Normand Legault.

C'est la vérificatrice générale du Canada qui a mis ce scandale sur la sellette. Par la suite, le Premier ministre du Canada, Paul Martin, a mis en place une commission d'enquête dirigée par le juge John Gomery. La Commission Gomery fut créé. Une commission n'est pas un procès même si cela lui ressemble à plusieurs points de vue. Elle a pour but de faire témoigner des personnes impliquées afin de rédiger un rapport. C'est à la suite de ce rapport qu'il peut y avoir poursuite judiciaire.

Le premier rapport a été publié le 1 novembre 2005 et il met en évidence ce processus de ristourne. Voici d'autres constats du juge Gomery tirés de son rapport:

- «Un manque de supervision de la part des échelons les plus élevés de la fonction publique, ce qui a permis aux gestionnaires du programme de contourner les procédures normales des marchés publics et de court-circuiter les voies hiérarchiques»;

- «Un voile de secret entourant la gestion du programme de commandites, et une absence de transparence dans le processus contractuel»;

- «Une surfacturation flagrante des agences de communication pour les heures travaillées et les biens et services fournis»;

- «Un gonflement des commissions, des frais de production et des autres dépenses facturés par les agences de communication et leurs sous-traitants, dont beaucoup étaient des entreprises reliées»;

- «L'utilisation du programme de commandites à des fins autres que l'unité nationale où la visibilité fédérale, à cause de l'absence d'objectifs, de critères et de lignes directrices»;

- «Des actions délibérées pour échapper aux dispositions des lois et politiques fédérales, incluant notamment la Loi électorale du Canada, la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la gestion des finances publiques,ainsi que la politique fédérale sur les marchés et de la politique du Conseil du Trésor sur les paiements de transfert»;

- «Un écheveau complexe de transactions financières entre Travaux publics et services gouvernementaux Canada (TPSGC), des sociétés d'État et des agences de communication, comprenant des pots-de-vin et des contributions illégales à un parti politique, dans le contexte du programme de commandites»;

- «Cinq agences ayant reçu de gros contrats de commandites ont acheminé régulièrement de l'argent, sous forme de dons légitimes ou de cadeaux non déclarés, à l'occasion d'activités de collecte de fonds politiques au Québec, en s'attendant à recevoir des contrats lucratifs du gouvernement».

Bien sûr, ce scandale touche particulièrement le Québec (le reste du Canada pense que c'est un problème québécois), mais il ne faut pas oublier que c'est le plus grand scandale que le Canada ait connu, que cela met en cause l'intégrité et l'honnêteté des partis politiques et que c'était la première fois de l'histoire qu'un ancien Premier ministre et qu'un Premier ministre canadien en place (il était ministre des finances durant le Programme des commandites), témoignaient à une commission d'enquête. Comme on s'y attendait, ces deux personnes ont été lavées de tout blâme mais 10 personnes ont été bannies à vie du Parti Libéral du Canada. Quelques unes de ces personnes et plusieurs autres pourraient devenir la mire de poursuites judiciaires. Un montant de $1,143,000 , provenant du coffre du Parti Libéral du Canada a été retourné aux contribuables canadiens, selon les recommandations du juge Gomery, même si certaines sources affirment que le montant aurait dû être élevé à $5,000,000.

Ce qu'il faut retenir également est que malgré ce scandale, le Parti Libéral du Canada a décidé de demeurer au pouvoir, même si tous les autres partis politiques et la plupart des canadiens exigent des élections. Ils ont réussi à demeurer en place de justesse grâce à certaines associations avec le NPD et d'autres ministres indépendants, en distribuant des milliards de $ dans des projets entérinés par ces individus, et en achetant du temps en faisant toute sorte de déclarations et promesses (Paul Martin a promis des élections après la rédaction du second rapport du juge Gomery).

Une chose est certaine, c'est que ce scandale a alimenté le mouvement séparatiste et que le % d'indépendantistes n'a jamais été aussi élevé. Le problème est que c'est le Parti Libéral du Québec qui est au pouvoir (il est lui aussi très controversé mais c'est pour des raisons de mauvaise gestion). Lorsque le Parti Québécois reviendra au pouvoir, il va sûrement y avoir un troisième Référendum, qui risque celui-là, d'être gagnant. Mais pour l'instant, attendons ce deuxième rapport qui est prévu pour février 2006.

 

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