Le moteur


 

3 - Le moteur d’une Formule 1

Comme je l’ai déjà dit plus tôt, le moteur d’une F1 fonctionne sur le même principe qu’un moteur conventionnel à 4 temps mais il est beaucoup plus sophistiqué. On recherche surtout de la puissance mais il faut que ces moteurs soient souples et qu’ils aient un encombrement et un poids qui sera le plus petit possible car 30 kilos de plus équivaut à environ une seconde au tour de plus. Le moteur est caractérisé par sa courbe de puissance en fonction du régime. Le régime moteur est la vitesse de rotation du moteur. On peut placer le régime au maximum que le moteur peut fournir, sachant que plus le régime est élevé, plus le moteur est puissant, mais moins il est fiable. Le couple est une donnée qui caractérise un moteur. Il varie en fonction du régime. La courbe ainsi obtenue est définie par les caractéristiques internes du moteur (cylindrée, richesse du mélange, forme des cylindres, etc.). La puissance du moteur n'est que le produit du couple par le régime. Mais pour bien comprendre il faut expliquer les grandes différences entre le moteur de F1 et celui qui équipe les voitures se série.

1- Le moteur d’une F1 est situé à l’arrière versus à l’avant pour la majorité des voitures conventionnelles, afin de réaliser le meilleur équilibre possible de la voiture. Tout cela à cause des forces G et de l’aérodynamisme qui l’exige. Il est tout de même le plus proche possible du pilote, donc du centre de la voiture car il est suivi de la boîte de vitesse et du différentiel. Il doit être aussi le plus bas possible à cause du centre de gravité. Le tout est boulonné ensemble (moteur, boîte de vitesse, différentiel) afin de créer un pseudo châssis (le véritable châssis se termine juste avant le moteur) qui est boulonné au véritable châssis avec seulement 4 boulons. Tout cela afin de gagner du poids.

2- Les alliages ne sont pas les mêmes : on utilise surtout l’acier pour les moteurs conventionnels tandis que l’on utilise l’aluminium, le titane, le magnésium, le béryllium (interdit par la FIA depuis 2001) et le carbone pour les moteurs de F1. Ce sont donc des métaux nobles qui ne subissent pas ou à peu près pas de dilatation ou de déformation (en tout environ 20 métaux différents). Tout cela est bien sûr très coûteux et on doit les utiliser à cause des conditions extrêmes que subissent ces moteurs.

3- On a un moteur V10 comparativement à des V6 ou V8. Le V10 n’existait pas auparavant, il fut créé pour palier au manque de puissance en développement des V6 et V8 et aussi parce que le V12 était trop lourd et encombrant. Ils ont une capacité maximale de 3 litres de cylindré qui représente le volume balayé par le mouvement de va-et-vient des 10 cylindres dans le moteur. Les moteurs conventionnels n’ont pas de limite. Tout cela fait en sorte qu’un V10 de F1 est plus petit tout en ayant la même longueur qu’un V6 conventionnel mais il développe plus de 800 CV contre 270 CV et il tourne à plus de 18 000 tours/minute contre 6000 tours/minute pour un moteur conventionnel. La différence est énorme et on comprend mieux pourquoi on utilise ces métaux et pourquoi ils valent si cher.

4- Les soupapes ne sont plus rappelées par des ressorts car on s’est rendu compte qu’après 12 000 à 13 000 tours/minute, les ressorts s’affolaient et cassaient. Il a donc fallut adopter un système de valves de rappel à air comprimé.

5- Dans les moteurs de Formule 1, le régime du moteur empêche l'utilisation d'une courroie traditionnelle pour la distribution. La technique trouvée est cependant beaucoup plus efficace: il s'agit de plusieurs pignons qui permettent une meilleure synchronisation. Cependant, contrairement à un moteur conventionnel, il est préférable à ce type de moteur de rouler à haut régime car le système de refroidissement à l'huile (pompe) cesse d'être efficace et le moteur surchauffe. En fait, la période avant le départ et les arrêts au puit peuvent être plus dommageables que de rouler à plein régime. Il n'est pas rare de voir une voiture s'immobiliser juste après la sortie des puits ou peu après. Ce phénomène en est la raison, et bien des fois mais pas tout le temps, un moteur sautera plus tard dans la course à cause des dommages occasionnés par un faible régime moteur.

6- L’angle et la position des injecteurs doit être très précise et est contrôlé électroniquement. La différence ici se situe surtout au niveau du mélange air-essence car l’essence utilisée en Formule 1 doit être plus riche pour permettre une meilleure combustion, et la chambre de combustion doit être conçue de manière à ce que cette même combustion se fasse le plus rapidement possible pour qu’il n’y ait aucune perte, et pour qu’elle puisse fournir la puissance maximale.

7- Sachant que les frottements réduisent de près d'un tiers la puissance des moteurs, les ingénieurs tentent de les limiter au maximum. Pour cela, ils emploient des pistons très courts, ainsi qu'un lubrifiant beaucoup plus efficace qu'en grande surface. Les concepteurs de F1 ont du demander aux compagnies pétrolières de créer une huile plus résistante à la chaleur mais cela n’était pas suffisant. Ils ont du utiliser un radiateur d’huile pour la refroidir à cause des très hautes températures du moteur.

8- Pour optimiser la fréquence des vibrations du moteur, les ingénieurs jouent sur la longueur des conduits d'admission et d'échappement. Une fois maîtrisées, elles permettent un meilleur remplissage, ainsi qu'un meilleur échappement.

9- Le filtre à air est situé au-dessus du moteur et est beaucoup plus gros qu’il filtre à air conventionnel car il y a beaucoup plus d’air, donc beaucoup plus de poussières qui vont vouloir pénétrer dans le moteur; et il fait partie d’un tout qui est constitué d’un tunnel qui fait passer l’air juste au-dessus du pilote. C’est d’ailleurs la seule pièce (mis à part les pneus) qui est plus grosse que dans les moteurs conventionnels. Il y a aussi les radiateurs de côté au nombre de deux versus un pour les moteurs conventionnels et qui fonctionnent à l’air. Tout ce système afin de refroidir le plus possible ce moteur sophistiqué et très puissant.

1- Tube d’entrée d’air et 2- Filtre à air composant un ensemble.

 

Radiateur de côté et filtre à air, l’air pénètre par le côté et par le haut.

 

Sortie du surplus d’air

 

10- Le carter d’huile est absent (carter sec). Le tout est composé d’un réservoir d’huile qui se situe entre le moteur et la boîte de vitesse, une pompe envoie l’huile dans le moteur en passant par des conduits et il y a une autre pompe qui renvoie l’huile vers le réservoir en passant par le radiateur d’huile afin de le refroidir.

11- L’alternateur ou dynamo est beaucoup plus petit car la batterie est beaucoup plus petite (de la grosseur de celle d’une moto) et est plus performant pour produire du courant. On l’aurait même éliminé dans certains moteurs pour l’intégrer au moteur lui-même. On ne sait pas comment car ce fonctionnement demeure ultra secret comme beaucoup de choses en F1.

12- Les gaz brûlés s'échappent par deux tuyaux latéraux reliant toutes les soupapes d'échappement. Il n'y a pas de pot d'échappement car cela ralentirait la puissance du moteur. Les gaz sortent donc très chauds des échappements. Plusieurs Formule 1 sont équipées d'échappements vers le haut pour ne pas endommager les suspensions des roues arrières à cause de la chaleur dégagée.

13- Le démarrage d’une voiture conventionnelle se fait à partir d’un démarreur électrique actionné par une clef, tandis que le moteur d’une Formule 1 doit être démarré à l’aide d’un vilebrequin pneumatique ou électrique que l’on fait pénétrer par l’arrière, et seul un ingénieur qualifié doit pouvoir le faire.

14- L’anti-patinage en Formule 1 est beaucoup plus complexe et la plupart des voitures conventionnelles ne la possède pas. Par définition l’anti-patinage est un système relié au système de freinage antiblocage, qui empêche le patinage des roues motrices à l'accélération, soit en agissant sur le système de freinage antiblocage lorsqu'une seule roue patine, soit en intervenant sur la fermeture du papillon des gaz, sur l'allumage et/ou sur l'injection lorsque les deux roues patinent.

En Formule 1, les freins antiblocage sont interdits, donc, l’anti-patinage est géré électroniquement en contrôlant la vitesse de rotation des roues en accélération (au départ et en sortie de virage). Ce système est également sensible lorsqu’une roue arrière perd de l’adhérence; à ce moment précis, le système anti-patinage coupe un ou plusieurs cylindres afin de rétablir la traction, et cela si rapidement que le pilote ne s’en rend pas compte. Une autre chose importante, ce système contrôle les changements de vitesses (le pilote n’a plus à intervenir). On parle donc ici du contrôle du moteur car tout mouvement part de là.

Pour certains, l’anti-patinage ne viendra pas révolutionner le pilotage, car il se fait sentir uniquement à des moments très précis; comme le passage dans les virages serrés où il n’influencera qu’une seule section : la deuxième, du point de corde à la sortie, lors de la réaccélération en aval du virage. La vitesse de passage au point de corde est celle qui a le plus d’influence sur les temps au tour, et l’anti-patinage n’y pourra rien selon certains. Mais étant donné que les logiciels internes contrôlent les changements de rapport de la boîte de vitesse, les erreurs de pilotage en amont des virages seront éliminés.

D’autres pensent que c’est dans les grandes courbes que l’anti-patinage est le plus efficace, lorsque la voiture devient instable et que le pilote inconsciemment lève légèrement le pied, lui faisant perdre du temps. L’aide électronique permet au pilote de se sentir suffisamment en confiance dans la courbe pour garder le pied à fond.

Beaucoup de gens, dont certains pilotes comme Olivier Panis, croient que ce système diminuera la sensibilité des pilotes, la façon de sentir le véhicule, car à peu près tout est automatique. En fait, plus l’électronique prend de l’importance, moins le pilote en a. On pense même un jours considérer la voiture et non pas le pilote pour les qualifications, et donner plus d’importance au championnat des constructeurs plutôt qu’au championnat des pilotes. Une bonne réflexion est à faire.

15- Une dernière chose importante est l’endurance du moteur. Un moteur conventionnel est fait pour durer toute la vie du véhicule tandis qu’un moteur de Formule 1 est fait pour durer une course tout au plus, et très souvent, ces moteurs ne durent que quelques tours. En fait, on les pousse tellement à fond que malgré la haute technologie avec laquelle ils sont construits, l’étanchéité des pistons interne (piston au autre) lâche et c’est là que l’on voit ces gros nuages de fumée qui signifient que l’huile s’échappe du moteur. Sans huile à ces grandes températures, le moteur ne tient que quelques secondes.  

Un moteur de F1 n'est pas très endurant, celui-ci en est la preuve car il a été trop solicité.

 

Voilà les aspects qui diffèrent le plus entre ces deux types de moteurs, mais voyons maintenant différents modèles de moteurs de F1 à travers les décennies pour voir un peu leur évolution.

Moteur de la Maserati 250 (années 50) 10 en ligne

Moteur de la Ferrari 312 V12 (années 60)

Moteur Porsche V8 1962

 

Moteur  Brabham-Repco V8 (milieu et fin des années 60)

 

Moteur Eagle V12 de 1967

 

Moteur Matra V12 de la fin des années 60.

 

Moteur Ferrari V12 à plat du début des années 70.

 

Moteur Wolf V8 de la fin des années 70.

Moteur turbo V6 des années 70

 

Moteur turbo V10 des années 80

Moteur Ferrari V10 actuel

 

Moteur BMW V10 actuel

 

Moteur Ferrari V10 actuel

 

Moteur Mercedes-Benz V10 actuel

 

Vue en coupe d'un moteur 2004 avec toutes les forces et énergies impliquées

Principales différences entre un moteur de Formule 1 et un moteur conventionnel
Formule 1 Conventionnel
Situé à l'arrière Situé à l'avant
Alliages faits de métaux nobles et très coûteux Métaux conventionnels comme l'acier et la fonte
Moteur V10 Moteur V6 ou V8
Système de valve de rappel à air comprimé pour les soupapes Ressorts
Distribution par pignons Distribution par courroie
Mélange air - essence riche Mélange air - essence normal
Pistons courts Pistons de longueur normale
Lubrifiants très résistants Lubrifiants conventionnels
Radiateur d'huile Présence rare du radiateur d'huile
Longueur des conduits d'admission et d'échappement variable d'une course à l'autre Longueur des conduits d'admission et d'échappement fixe
Filtre à air très grand Filtre à air conventionnel (plus petit)
Carter sec Carter d'huile conventionnel; carter sec peu répandu
Alternateur petit ou absent Alternateur conventionnel
Pas de pot d'échappement Pot d'échappement présent
Démarrage à l'aide d'un vilebrequin pneumatique ou électrique demandant l'assistance d'un ingénieur. Système de démarrage électrique absent. Démarrage conventionnel à l'aide d'un démarreur électrique
Vie du moteur très courte Vie du moteur très longue (plusieurs décennies)
 
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