La suspension


 

  1. La tenue de route
  2. Les ressorts
  3. Les amortisseurs
  4. La barre antiroulis
  5. La butée de choc
  6. La triangulation
  7. Les effets de la suspension sur les variations de la surface de contact
  8. Les angles de roues
  9. Le rôle du pneu dans la suspension
  10. La direction
  11. Exemples de suspensions
  12. Le banc à vérins

 

La suspension est un ensemble de pièces mécaniques comprenant les ressorts, les amortisseurs, les roues et pneus et parfois des barres métalliques qui ont chacun leur rôle à jouer.

Le premier rôle de la suspension est d’absorber autant que possible les inégalités du sol afin de permettre un confort et une bonne tenue de route, ainsi que de donner aux roues motrices une stabilité et une résistance suffisantes afin de leur permettre de transmettre le couple moteur.

Son second rôle est de garantir une liaison constante entre le sol et les roues car la précision de la direction, l’efficacité du freinage et la puissance transmise aux roues en dépendent. En Formule 1, c’est surtout sur ce deuxième rôle que le développement se fait car contrairement à une voiture conventionnelle, le confort dans une monoplace est pitoyable et la suspension est très dure.

Afin de comprendre comment fonctionne la suspension dans une Formule 1, nous devrons faire des analogies et des comparaisons avec la suspension dans les voitures conventionnelles, et analyser chaque pièce qui la compose.

1 - La tenue de route

La tenue de route dépend de plusieurs facteurs dont la suspension, car la charge verticale est le facteur qui subit les variations les plus importantes durant le déplacement. Lorsque la roue rencontre un obstacle, elle subit une poussée très rapide vers le haut; son mouvement est contrarié par l’inertie de la voiture, qui agit à travers le ressort de la suspension. L’obstacle franchit, la roue revient à son niveau précédent, tandis que le corps de la voiture reste encore légèrement soulevé, puisqu’en raison de sa masse supérieure, il lui faut plus de temps pour retomber. Pendant ce court laps de temps, le ressort demeure en légère extension et, de ce fait, agit moins vigoureusement pour maintenir le contact entre la roue et le sol. Le résultat en est la diminution de l’adhérence.

La tenue de route résultera donc de la valeur moyenne entre les conditions d’adhérence maximale et minimale lors des secousses verticales, et sera d’autant meilleure que le laps de temps durant lequel la roue est délestée sera plus court, c’est-à-dire, lorsque la fréquence des oscillations sera plus élevée.

En Formule 1, ce phénomène est beaucoup moins présent dû à la poussée aérodynamique qui tend à garder la voiture au sol, au centre de gravité très bas du véhicule, à la suspension indépendante des 4 roues, à la présence d’un seul essieu qui se situe à l’arrière (il n’y en a pas à l’avant car les roues tiennent par les barres de suspension) et par le faible poids de la voiture.

Cependant ce qui suit s’applique aux deux types de véhicules : en règle générale, dans des conditions identiques, une voiture possédant des suspensions très souples et subissant des secousses lentes, colle au sol beaucoup moins qu’une voiture à suspension rigide. C’est pourquoi en Formule 1 les suspensions sont très rigides comparativement aux suspensions des voitures conventionnelles qui recherchent un compromis entre confort et performance, tandis qu’en Formule 1 on ne recherche que la performance et on se fout du confort.

Lorsque les oscillations se produisent, il y a deux phénomènes qui influencent l’adhérence du pneumatique au sol : les mouvements latéraux (ou glissements) et les modifications du carrossage. Durant la marche, le point neutre n’est pas fixe mais se déplace en fonction des variations de la force latérale sur les deux essieux (un seul pour la Formule 1) : aussi peut-il se trouver tantôt en avant, tantôt en arrière du centre de gravité. Lorsqu’il se trouve en avant, il donne naissance à un moment qui, en faisant pivoter la voiture vers l’intérieur du virage, détermine un comportement survireur. À l’inverse, lorsqu’il se déplace vers l’arrière, le moment résultant agit au sens contraire et détermine un comportement sous-vireur. Dans le cas d’une Formule 1 ou d’une voiture conventionnelle, on recherchera un comportement neutre le plus possible mais si on n’a pas le choix, on préfèrera un comportement sous-vireur plutôt qu’un comportement survireur car le premier est beaucoup plus facile à contrôler que le deuxième.

Pour obtenir un comportement stable de la voiture, on joue sur le transfert des charges sur chaque essieu, en faisant varier convenablement la résistance au roulis des suspensions. On augmente celle-ci en rapprochant le centre de roulis du centre de gravité, en augmentant la rigidité des ressorts, ou bien en augmentant la rigidité de la barre antiroulis.

Étant donné qu’en Formule 1 on retrouve des suspensions à roues indépendantes, on ne peut maintenir les deux roues d’un même essieu parfaitement verticales, tant en ligne droite qu’en virage; dans ce cas, on fait en sorte de maintenir la verticalité au moins de la roue qui supporte l’effort principal, c’est-à-dire, la roue extérieure au virage.

Représentation schématique des variations d’adhérence latérale suite à l’augmentation de la rigidité de roulis d’un couple de suspension (augmentation de la rigidité de la barre antiroulis).

L’adoption d’une barre antiroulis (ou l’augmentation de sa rigidité si présente) accentue les transferts de charge sur l’essieu (ou l’équivalent) qui en est doté et les diminue sur l’autre. Il s’ensuit (pour des angles de dérive identiques) une variation (flèches plus foncées) de l’adhérence des deux pneumatiques, dont la somme provoque une adhérence totale différente pour les deux essieux, donc un comportement différent de la voiture en virage. Sur le schéma plus haut, les flèches de teinte claire indiquent la contribution à l’adhérence latérale de chaque pneu, et l’adhérence totale des deux essieux en l’absence de barre antiroulis, tandis que les flèches foncées figurent la situation différente en présence de la barre. Dans ce cas, le montage de la barre antiroulis à l’avant en diminue l’adhérence et améliore simultanément celle de l’essieu arrière; cela provoque une diminution de la tendance au survirage, ce qui reflète une meilleure stabilité.

En Formule 1, on retrouve des pneus très larges comparativement aux voitures conventionnelles; ce qui fait que cet équilibre est difficile à atteindre car ceux-ci sont sensibles aux modifications des conditions optimales de travail. C’est pourquoi la mise au point de ces voitures est beaucoup plus délicate. Ainsi, afin d’exploiter le mieux les extraordinaires qualités d’adhérence de ces voitures, il a fallut installer un système de suspension ayant un débattement très faible (tout au plus 5 cm), sinon la voiture devient instable et c’est pourquoi les Formules 1 ont une suspension inconfortable. De plus, l’étendue de la surface de contact est maximale lorsque la roue est en position verticale par rapport au sol, indépendamment de la charge et du roulis. C’est pourquoi les suspensions sont conçues de manière à ouvrir les roues chargées (carrossage négatif) afin de compenser l’inclinaison (carrossage positif) entraînée par le roulis de la voiture.

Ce schéma montre une autre solution qui conduit à renoncer à obtenir l’adhérence maximale de la roue lorsqu’elle est peu chargée, afin d’obtenir une verticalité parfaite lorsqu’elle est chargée et qu’elle joue le rôle le plus important pour la stabilité dans le virage. Cette solution s’applique à la Formule 1 et c’est pourquoi le carrossage doit être négatif (on doit avoir la plus grande surface de contact possible avec le pneu dans le virage, et celui-ci doit être perpendiculaire à la surface de contact).

 

Avec le carrossage positif, le pneu va vers l’intérieur (forme un V, bon pour les revêtements bombés); et avec le carrossage négatif, le pneu va vers l’extérieur (essentiel pour les virages à grande vitesse et pour les vibreurs).

2 - Les ressorts

Les ressorts ont été inventés pour atténuer les chocs provoqués par les aspérités de la route sur l’une des roues qui se répercutait sur l’autre roue fixée sur le même essieu, donnant ainsi lieu à une variation de carrossage et à un déplacement latéral. Ce phénomène est apparût lorsque les voitures se sont mises à aller plus vite. Sous l’effet du mouvement gyroscopique, la variation du carrossage provoquait des secousses imprévues dans la direction et, de plus, à cause du poids de l’essieu, le plus petit cahot se traduisait par une perte d’adhérence.

Les ressorts contrôlent le mouvement vertical de la roue par rapport à la caisse, ce que l'on appelle le débattement. Plus le ressort est raide, plus il faut un effort important pour que la roue ait un débattement.

En Formule 1, le réglage de la dureté des ressorts influe sur le comportement de la voiture, notamment sur le roulis et le tangage. Plus les ressorts sont raides, moins la voiture prendra de roulis en virage, et moins elle prendra du tangage en phase d'accélération ou de freinage.

Lorsqu'une voiture roule en ligne droite, plus ses ressorts son souples et plus la suspension absorbe les bosses, donc les pneus restent mieux collés à la route. En revanche, le transfert de charge vertical est plus important en cas de freinage, délestant les pneus arrières, ce qui fait perdre de l'efficacité au freinage. Lorsqu'une voiture aborde un virage, là aussi, plus les ressorts sont souples, plus les pneus collent à la route. En revanche, plus ils sont souples, plus l'entrée et la sortie du virage sont difficiles et la voiture devient lente à réagir.

Les barres antiroulis avant et arrière d’une Formule 1 viennent renforcer les ressorts lorsque la voiture prend du roulis uniquement. Ainsi, la raideur de la suspension peut être différente en ligne droite, où le roulis est normalement nul, et en virage où la voiture a du roulis. En résumé, la suspension est donc plus raide en virage en raison des barres antiroulis.

Donc, si la voiture rebondit trop sur les bosses, faisant perdre du temps à l'accélération, on doit baisser la raideur des ressorts avants et arrières. Si les pneus s'usent trop vite par rapport à la normale, on doit assouplir tous les ressorts. Si les roues arrières se bloquent facilement au freinage, on doit changer la répartition de freinage ou augmenter la raideur des ressorts avants et diminuer celle des ressorts arrières. Si la voiture est sous-vireuse, on doit baisser la raideur de la barre antiroulis avant et/ou augmenter celle de la barre arrière. Si ce n'est pas suffisant, on doit baisser la raideur des ressorts avants et/ou augmenter la raideur des ressorts arrières, mais on risque alors de changer le comportement de la voiture sur les bosses, au freinage, et sur les entrées/sorties des virages. Si la voiture est survireuse, on doit augmenter la raideur de la barre antiroulis avant, et/ou baisser la raideur de la barre antiroulis arrière. Si ce n'est pas suffisant, on fait comme avec le sous-virage, mais avec les mêmes conséquences.

Si la voiture est trop lente à réagir lors d'une mise en virage, on doit augmenter la raideur des ressorts avants et arrières. Si elle frotte trop au sol en ligne droite à l'accélération, créant des étincelles sous la voiture, on doit augmenter la raideur des ressorts arrières, ou monter des butées de choc, ou augmenter la hauteur de la caisse à l'arrière. Si la voiture se comporte de la sorte au freinage, on doit raidir les ressorts avants, ou monter des butées de choc, ou augmenter la hauteur de la caisse à l'avant.

Les ressorts les plus utilisés sont les ressorts à spirale cylindrique (hélicoïdaux), fabriqués presque toujours avec du rondin en acier, dotés de hautes caractéristiques mécaniques, et usinés à torsion et à flexion combinés.

Dans les voitures conventionnelles, les ressorts sont gros et ils englobent les amortisseurs afin d’assurer le confort le plus optimal possible. En Formule 1, les ressorts sont plus petits et légers, et ils font partie intégrale de l’amortisseur étant donné que l’on ne recherche pas le confort et que le débattement des roues est très faible.

Ressorts hélicoïdaux

Ressorts et suspension conventionnels

Système de suspension MacPherson

3 - Les amortisseurs

L’usage des ressorts produit un mouvement oscillatoire périodique difficilement contrôlable qui, s’il n’était pas contrôlé, provoquerait l’instabilité de la voiture en compromettant l’assiette tout en la rendant très inconfortable. C’est pourquoi on a inventé l’amortisseur qui freine ce mouvement oscillatoire et rétablit la stabilité du véhicule. On remarquera que lorsqu’un amortisseur est usé, le véhicule se met de plus en plus à sauter sur les bosses et est plus difficile à contrôler, démontrant ainsi ce phénomène oscillatoire.

En Formule 1, le rôle principal des amortisseurs est d'amortir les débattements en dissipant l'énergie accumulée dans les ressorts, évitant aux roues de débattre trop longtemps: les amortisseurs fournissent un effort en fonction de la vitesse de débattement. Lorsque la voiture entre ou sort d'un virage, freine, accélère, monte sur un vibreur ou une bosse quelconque, les amortisseurs jouent leur rôle en limitant les débattements dans le temps. Le rôle joué par les amortisseurs n'est pas le même suivant que la roue se rapproche de la caisse (compression), ou s'en éloigne (détente). En compression, ils contrôlent le mouvement de la voiture lorsqu'elle passe sur une bosse, et en détente, ils contrôlent la vitesse de roulis. Ils participent donc à la tenue de route aux entrées/sorties de virage.

Généralement, les amortisseurs sont réglés pour fournir 3 à 4 fois plus d'effort en détente qu'en compression. Si la voiture rebondit sur les bosses et semble décoller sur les vibreurs à l'accélération, on doit assouplir en compression les amortisseurs arrière, voir les quatre amortisseurs. Si elle se comporte de même au freinage, on doit assouplir en compression les amortisseurs avant, voir les quatre. Si la voiture oscille beaucoup après une bosse ou un vibreur, faisant perdre de l'appui aérodynamique et faisant patiner les pneus en accélération ou au freinage, on doit raidir les 4 amortisseurs en compression. Si elle est lente à répondre en entrée/sortie de virage, on doit raidir les 4 amortisseurs en détente.  Si la voiture a une tendance sous-vireuse en entrée/sortie de virage, on doit assouplir les amortisseurs avant en détente et raidir ceux à l'arrière en détente également. Finalement, si la voiture a une tendance survireuse en entrée/sortie de virage, on doit assouplir les amortisseurs arrières en détente et raidir ceux à l'avant en détente également.

Les amortisseurs les plus utilisés sont les amortisseurs hydrauliques qui sont à double effet : ils freinent les oscillations dans les deux sens avec une plus grande énergie dans la phase de détente des ressorts de suspension.

L'amortisseur hydraulique télescopique est constitué par un cylindre (3), solidaire de la suspension au moyen d'une tige (7), un piston, dont la tige (2) est en liaison avec la carrosserie, et un tube de protection (1). Compression : le piston (9) comprime l'huile dans la chambre inférieure, ce qui la refoule dans la chambre supérieure par les orifices (4) et la soupape (8). Une partie de l'huile est également refoulée dans la chambre de réserve autour du cylindre (3) par la soupape de compression (6). Cette soupape est aussi conçue de façon à maintenir une surpression dans la chambre supérieure. Au cours de cette phase, les soupapes de refoulement et de compensation (10) restent fermées. Détente : Le piston (9) comprime l'huile dans la partie supérieure du cylindre. La soupape d'aspiration (8) se ferme automatiquement et l'huile est chassée dans la partie basse du cylindre par la soupape de refoulement (5) Celle-ci, en opposant une résistance au moyen d'un ressort taré (11), provoque un freinage à la détente. La soupape flot laisse pénétrer dans la chambre inférieure une quantité proportionnelle au volume compressé.

Les amortisseurs de Formule 1 fonctionnent sur le même principe mais sont très différents car en plus d’être hydrauliques, ils sont au gaz, et contrairement aux voitures conventionnelles, ils sont couchés et à l’intérieur. Ils sont réglables à 4 voies comprenant un double tube et deux valves de réglage à l’extérieur. De par la conception et la qualité de fabrication exceptionnelle, les frictions internes sont très faibles, de l'ordre de 20 +/- 5 N sans force latérale, et pouvant même descendre à 10 +/- 5 N avec des joints spéciaux.

Les valves contrôlant l'amortissement en compression et en détente travaillent séparément l'une de l'autre et offrent la possibilité d’un réglage à basse et haute vitesses. Elles restreignent le flux d'huile créé par le piston principal, et non par la tige, ce qui résulte en de faibles pressions internes durant le débattement du piston. Les deux valves dans la direction de la compression et de la détente sont similaires.

Amortisseur de Formule 1 SACHS FORMULA

Schéma de l’amortisseur de Formule 1 SACHS FORMULA

La force d'amortissement se met en place rapidement et les frictions venant du piston et du joint de la tige sont minimisées. Comme résultat, nous avons d'excellentes performances pour les faibles débattements par rapport aux forces importantes. L'amortisseur peut amortir des vibrations, même quand le débattement est très faible (par exemple +/- 1 mm). Le système est pressurisé à l'azote et le piston flottant ou (en option) le diaphragme, sépare le gaz de l'huile.

Ce type d’amortisseur est facile à réviser, régler, modifier ou démonter, grâce au système de valves extérieures. Les réglages se font très facilement grâce à ces valves très accessibles et dont le positionnement est définissable à la commande du fabricant.

Caractéristiques techniques :

  • Amortisseur double tube pressurisé au gaz réglable 4 voies.
  • Réservoir de gaz à basse pression intégré pour plus de compacité.
  • Réglage de la détente et de la compression séparés en basse et haute vitesses sur les logements/valves extérieurs.
  • Le réglage basse vitesse possède 16 positions.
  • Le réglage haute vitesse possède 12 positions.
Le débattement est de 50 à 160 mm (réglable en usine).

Schéma montrant l’efficacité des amortisseurs de Formule 1

 

Suspension arrière d’une Formule 1. Remarquez qu’ici il n’y a pas de châssis, chaque pièce tient l’une sur l’autre à partir du moteur sur lequel ils sont fixés. Ces amortisseurs sont deux fois plus petits que les amortisseurs conventionnels à cause du faible débattement.

 

Figure 1 - Suspension avant d’une Formule 1. Les amortisseurs sont couchés sur le dessus du châssis.

 
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